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La Muette pour voix, ensemble instrumental dirigé et dispositif électroacoustique en temps réél (2011-2012), 35mn;

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"La Muette" conférence filmée |

Date : 2011-2012

Durée : 35 mn

Commande : Commande de l’Etat

Coproduction : Coproduction IRCAM - Centre Pompidou et TM+ ensemble orchestral de musique d'aujourd'hui

Effectif : 1 voix de femme soliste, flûte (aussi en sol, aussi piccolo), clarinette sib (aussi basse), hautbois (aussi cor anglais), basson, trompette, cor, harpe, piano, vibraphone, violon, alto, violoncelle et dispositif électroacoustique live

Dédicace : ‘A Frank et Laurent sans qui je n’aurais pu créer cette œuvre’.

Création mondiale :
La Muette pour voix, instruments et électronique, d’après La muette de Chahdortt Djavann.
Première exécution publique de l’oeuvre le 9 février 2012, Paris, Ircam, Espace de projection
Donatienne Michel-Dansac (voix)
ensemble TM+. Laurent Cuniot (direction)
Réalisation informatique musicale Ircam : Serge Lemouton

Editée : Editions JOBERT

Livret : D’après le texte La Muette de Chahdortt DJAVANN, éditions Flammarion, 2008.
Avec mes sincères remerciements à Baharé Khadjé-Nouri pour la traduction du texte français en persan.


Notice :

Faire parler le silence.
« La Muette savait faire parler son silence comme personne », écrit Djavann dans son livre. Ces mots m’ont profondément touchée parce qu’ils expriment une des plus belles métaphores de la musique. Au travers des lignes du récit, au-delà des mots, j’écoutais le silence de La Muette, une écoute intense et rare qui rejoint l’écoute intérieure telle que je la pratique quand j’écris ma partition. J’écoutais La Muette, je décidais d’écrire une nouvelle oeuvre pour faire résonner par la musique cette voix inaudible de ‘La Muette’ racontée par Chahdortt Djavann.

Le choix des extraits.
Le texte mis en musique est constitué de brefs extraits du récit de Djavann. Je me suis concentrée sur le portrait de cette femme qui par son silence conquiert sa liberté, qui dans son silence tisse des relations fortes d’amour avec sa nièce Fatemeh d’une part et avec l’Oncle d’autre part. « Elle avait fait de son silence son art de vivre, sa liberté » écrit Djavann. L’extrême tension dramaturgique, le flux de la langue chantée en persan et l’oppression liée au contexte iranien cherchent à mettre en exergue l’indépendante beauté de cette femme qui sans voix, résiste et existe.

Histoire.
Une jeune iranienne de 15 ans nommée Fatemeh, est en prison. En attendant le jour de sa condamnation à mort, elle écrit l'histoire de sa tante sur un petit cahier, "pour que quelqu'un se souvienne de la Muette et de moi ». La jeune adolescente a été élevée par sa tante devenue muette parce qu’elle a décidé de se taire depuis un jour sombre de sa propre enfance au cours d’un interrogatoire, pour ne pas trahir LA vérité. Une tante que le mutisme rend encore plus fascinante, altière, le regard insolent, la cigarette aux lèvres, pieds nus et sans foulard sur la tête. « La Muette avait fait de son silence son art de vivre, sa liberté ». Autour d'elle, les femmes commencent à jaser, allant même jusqu'à la traiter de folle, seule une folle peut se comporter de cette manière. Fatemeh, elle, porte un amour fusionnel pour sa tante muette, c’est ainsi qu’elle veut devenir femme, en lui ressemblant, fascinée par son silence et sa démesure.
La Muette incarne une figure de la liberté et nous rappelle qu’il est des pays où celle qui ne veut pas se soumettre encourt la punition extrême. Elle sera pendue.
D’après le très beau récit de Chahdortt Djavann, ‘La Muette’, texte fort, raide, tendu, sans lyrisme ni compromis, et qui se situe en Iran sous le régime des Mollahs.

Le persan : matériau phonologique / matériau compositionnel.
Le récit de Djavann est écrit en français. J’ai demandé à Baharé Khadjé-Nouri de traduire le texte en persan, j’ai travaillé avec elle la prononciation, l’accentuation, la métrique et la structure de la langue, je l’en remercie encore. J’ai passé beaucoup de temps à me faire dire en persan le texte de Djavann et c’est par l’écoute que je me suis immergée dans cet univers sonore. A partir de ce matériau linguistique, il y a dès le début de la pièce constitution d’un réservoir alphabétique d’objets sonores qui seront tout au long de la pièce des parties constituantes du matériau compositionnel. Pour composer ce réservoir phonologique, j’ai travaillé l’écriture de la prononciation qui se situe pour moi à l’origine de toute écriture vocale possible, l’écriture du timbre aussi sur l’aspect par exemple ‘percussion – résonance’ du phonème, les multiples emplois des consonnes fricatives ou des sifflantes, enfin j’ai réalisé le traitement vocal du phonème par des modes de jeu liés au sprechgesang : chanter -inspirer, ou -expirer, -souffler, -scander, -chuchoter, -cracher, -parler.
Mais une analyse purement phonétique des structures vocales de la partie chantée réduirait le mot à sa seule entité phonétique. Le matériau phonologique s’est ensuite constitué en matériau compositionnel en donnant au mot chanté son entité sémantique.

La forme de la pièce.
Pour dépouiller la dramaturgie de tout élément narratif ou du moins du caractère discursif et linéaire du récit, j’ai dans un premier temps ré-organisé les parties du texte extraites tout au long du livre dans un ordre qui servait la forme que je voulais donner à la pièce (excepté pour le début et la fin qui sont conservés dans leur linéarité). J’imaginais Fatemeh en prison dont les souvenirs rebondissent entre les quatre murs de sa prison : matériaux musicaux récurrents, réinjectés de façon obsessionnelle, hachée et contrastée, à chaque fois transformés, rebondissant de séquence en séquence sous un autre état.
La pièce est divisée en 5 séquences, entre chaque séquence un interlude instrumental avec voix off, la voix du présent dans le cachot qui contraste avec la voix chantée de la séquence, évocation du souvenir de la Muette, (séquence1 : préambule, séquence2 : portrait de la Muette, séquence3 : la Muette et Fatemeh, séquence4 : la Muette et l’Oncle, séquence5 : épilogue).

Le dispositif électroacoustique.
Pour cette pièce, j’ai conçu les parties électroacoustiques en même temps que les parties instrumentales. Le dispositif électroacoustique est ici considéré comme un instrument à part entière, un instrument qui s’ajoute aux 12 instruments acoustiques et à la voix de Donatienne.
Les sons électroacoustiques sont de trois types :
- des échantillons de la voix de la chanteuse et d’instruments de l’ensemble TM+ transformés
- la voix de la narratrice Baharé Khadjé-Nouri en persan, version originale ou transformée
- des sons extra-musicaux
En ce qui concerne la synchronisation entre partition acoustique et partition électroacoustique, nous utiliserons pour la première fois une application innovante développée par Frédéric Bevilacqua et Bruno Zamborlin, non pas pour suivre le geste comme nous le faisions dans StreicherKreis mon quatuor à cordes créé en novembre 2008, mais pour suivre la voix et l’ensemble orchestral. Nous utiliserons donc un ‘suivi audio’, ce qui sera une première. Ce dispositif de reconnaissance et de suivi permettra ainsi, de façon précise et musicale, la synchronisation entre partition instrumentale et partition électroacoustique.
En ce qui concerne l’interactivité entre les interprètes et le dispositif, elle se fera en temps réel. Les caractéristiques du son des instrumentistes va tout au long du concert ‘interpréter’ ce qui provient des haut-parleurs. Ce sont les instrumentistes qui vont définir les paramètres des transformations sonores, en matière d’espace, de transposition, de timbre ou de durée.

Cette nouvelle œuvre exprime un message qui excède le strict musical, par le choix même du sujet. Il est important pour moi que le compositeur comme l’écrivain puisse investir son travail dans des problématiques auxquelles il est confronté parce qu’il en est le témoin direct.

Florence Baschet