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Au sujet de Musique-Fiction : La Compagnie des spectres, créée en concert le 23-24 et 25 juin 2021 au Centre Pompidou:

FLORENCE BASCHET & LYDIE SALVAYRE

Un article de Michèle Tosi dans Hemisphereson, (article en ligne)

Florence Baschet est à l’affiche des Musiques-fictions 2021 de l’Ircam, aux côtés de Gérard Pesson et Daniele Ghisi. La compositrice s’est tournée vers l’écrivaine Lydie Salvayre et son roman La Compagnie des spectres pour ce projet original où langue et musique, voix parlée et voix chantée se confrontent et s’interpénètrent. Sous la houlette d’Emmanuelle Zoll, Musiques-Fictions est une nouvelle collection initiée par l’Ircam en 2019, dans le cadre du festival Manifeste. Renouvelant le genre radiophonique du Hörspiel, le projet associe la création sonore et le texte littéraire contemporain, celui des autrices en priorité. Le public (une quinzaine de personnes) est assis sous la voute ambisonique (quelques 66 haut-parleurs disposés sur une structure semi-sphérique) et invité à une expérience collective d’écoute immersive en 3D.

C’est la metteure en scène Anne-Laure Liégeois qui a adapté le roman de 200 pages de Lydie Salvayre, réalisant pour ce « théâtre de l’oreille » une sorte de « huit clos à la Beckett » où règne l’incapacité des êtres à communiquer. Dans un appartement où vivent une mère et sa fille arrive un huissier chargé de dresser un inventaire du mobilier en vue d’une expulsion. La présence de l’intrus réveille les vieux démons de Rose-Mélie, la mère (Annie Mercier au grain sombre et caverneux). Elle est atteinte de démence et vit simultanément dans le passé (l’année 1943 plus précisément) et le présent ; hantée par les spectres de Pétain, Darnand et Bousquet, elle revit chaque jour la mort atroce de son frère : « Chaque fois qu’elle se penche sur son passé, elle y tombe », commente Louisiane, la fille (Anne Girouard), tout à la fois actrice et narratrice comme l’est d’ailleurs la mère. Beckettien en diable et imperturbable, Maître Échinard, l’huissier, se contente d’énumérer froidement les objets de son inventaire, avec la distance (l’abîme) qu’il met entre lui et les deux femmes. Ainsi Anne-Laure Liégeois construit-elle « l’énonciation dramaturgique », selon les termes de la compositrice, le socle déjà musical – les voix ont été enregistrées à l’Ircam – que va intégrer la musique.

Celle-ci commente, prolonge et s’immisce dans la trame dramatique mais elle n’est pas omniprésente, Florence Baschet laissant souvent la voix des comédiens à nue, en particulier celle de l’huissier qui s’inscrit dans une autre temporalité. La musique apparait à certains moments clés du texte : pour donner de la profondeur au récit de la mère – comme ces trames denses de l’électronique laissant percevoir des rumeurs de foule aussi lointaines qu’angoissantes – ou modifier l’espace où se meuvent les personnages. L’intervention de la voix chantée – la soprano Élise Chauvin – est une autre rupture de temporalité : elle est a cappella (« Pourquoi cette étrange sensation […] ») ou se superpose à la voix parlée de Louisiane, la fille. Avec le piano joué dans les cordes en mode cymbalum, le chant dans sa tessiture médiane devient cette voix intérieure du personnage qui rejoint la parole dans une intégration très réussie de la musique et du théâtre. Notons que c’est la première fois que la compositrice fait chanter la langue française dont elle étire les mots, fait glisser les syllabes, intègre le souffle et accuse les sifflantes pour en aviver «l’énonciation sonore ». La partie électronique virtuose est réalisée dans les studios de l’Ircam aux côtés du réalisateur en informatique musicale Serge Lemouton et de l’ingénieur du son Luca Bagnoli ; c’est avec le son électronique que s’achève la fiction, dans une stridence monstrueuse qui semble cristalliser toute la violence du propos.

Sous son dôme ambisonique, la collection des Musiques-Fictions (six à ce jour) sera bientôt disponible à l’écoute et, qui plus est, exportable à la faveur d’un dispositif plus léger et « prêt à l’emploi ».


LE FESTIVAL MANIFESTE HORS LES MURS
Un article de Michèle Tosi dans ResMusica, (article en ligne)

(...) Le concert se poursuit sans entracte avec une reprise bienvenue, celle de La Muette de Florence Baschet, un monodrame pour soprano, ensemble et électronique créée en 2012 à l’Espace de projection de l’Ircam. Le livret conçu par la compositrice, et traduit en persan par Baharé Khadjé-Nouri, prélève quelques extraits du récit de Chandrott Djavann, romancière et essayiste d’origine iranienne qui dénonce la condition de la femme en Iran. Cinq séquences sont reliées par des interludes instrumentaux et l’intervention d’une voix off. C’est celle de l’héroïne Fatemeh, une adolescente de quinze ans condamnée à mort par pendaison. Dans les prisons des Mollahs, Fatemeh écrit l’histoire de sa tante et l’amour fusionnel qu’elle a éprouvé pour cette femme libre, « scandaleusement différente », tête nue et cigarette aux lèvres, devenue muette « pour ne pas trahir ».
Florence Baschet a préféré le persan (avec sur-titrage en français), langue aussi belle que mystérieuse pour nous, dont elle a exploré en profondeur la dimension sonore pour constituer, selon ses termes, « un matériau phonologique », avant de travailler la dimension sémantique.

Donatienne Michel-Dansac entre en scène pieds nus, vêtue d’une robe de toile grossière, les cheveux tirés sur une raie médiane : l’incarnation du personnage est saisissante, dont la voix flexible et virtuose déploie ses facultés inouïes d’étendue et de timbre (son registre grave est étonnant) pour servir la beauté et l’intensité du texte… mais dans la retenue, en évitant le pathos, la langue persane mettant de la distance vis à vis du contenu émotionnel. L’ensemble instrumental Court-Circuit, en très grande forme, répercute et amplifie la voix au sein d’une écriture ciselée autant que colorée. Les interludes instrumentaux, parfois très courts mais subtilement instrumentés, sont une respiration bien sentie au sein du récit. Quant à la partie électronique (Serge Lemouton), autonomisée par un système de « suivi audio », elle réverbère un matériau issu du traitement des sonorités instrumentales et sculpte l’espace dramaturgique.
Raréfiée et suffocante, l’atmosphère des dernières minutes nous prend littéralement à la gorge, traduisant tout à la fois l’horreur de l’acte insensé et la nécessité de « faire résonner par la musique cette voix inaudible ».

Resmusica, le 27 juin 2018 par Michèle Tosi
(article en ligne)


Au sujet de Manfred, cycle pour quatuor à cordes:

LE QUATUOR MANFRED, DES PASSEURS DE MUSIQUE

(...) La création ce soir de l’œuvre de Florence Baschet, commande des Manfred et du Centre Européen ProQuartet, s’inscrit parfaitement dans l’optique de la célébration des trente ans. En mars dernier, le Quatuor avait invité à Dijon le comédien à la sensibilité à fleur de peau, Denis Lavant, à lire le texte de Lord Byron, Manfred, lors d’un concert-lecture. Florence Baschet a composé son Manfred, cycle pour quatuor à cordes en suivant le même chemin : « La pièce se construit sur sept scènes principales du texte, en faisant vibrer pour chaque scène… une lumière sonore différente et graduée… ». Le travail sur le son d’ensemble du quatuor trouve là un terrain à sa mesure : dans cette création mondiale, on entre dans un monde onirique où l’oreille ne sait plus de quelle sorte d’instrument proviennent les sons. Est-ce une source électronique, est-ce un « cristal-Baschet » ? Les notes tenues piano dans les aigus, privilégiées ici, puis interrompues par de forts accents, les passages violents et les trois accords récurrents, tout nous plonge dans un univers à la fois rêveur et exalté qui est bien la signature du style de cette formation « d’explorateurs » que sont les Manfred.(...)


Resmusica, le 15 juin 2017 par Joelle Farenc

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Au sujet de The Waves :

FLORENCE BASCHET RENCONTRE VIRGINIA WOOLF DANS THE WAVES

(...) De l’aube à midi sur l’océan
Nous étions au sommet de la trajectoire avec The Waves de Florence Baschet, pour septuor et électronique, que venait diriger Laurent Cuniot. « Woolf y fait résonner la lumière de l’aube sur les vagues de l’océan » dit Florence Baschet dans sa note d’intention. Dans cette oeuvre mixte, superbe, la source électronique s’immisce dans la texture instrumentale avec une délicatesse et un rendu toujours très efficace. Entre parlé et chanté, la voix, celle de Sylvia Vadimova très ductile, fait valoir la sonorité des mots de la romancière anglaise : sifflantes et chuintantes relayées par l’électronique (Technique IRCAM) se fondent dans des nappes de bruit rose très évocatrices. Entre jaillissement et immersion, la ligne vocale bien conduite par la mezzo-soprano nous porte vers « la chair nue de l’émotion »(...)


Resmusica, le 22 mars 2015 par Michèle Tosi

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Au sujet de La Muette :

(...) À l’exact opposé, La Muette de Florence Baschet impose son explicite. Également donnée en première audition mondiale, ce qu’on pourrait qualifier de monodrame, ou d’acte théâtral chanté, écarte toute retenue expressive. C’est peut-être avec l’électroacoustique que la compositrice s’est exprimée le plus directement : dans des dynamiques souvent élevées qui traversent le corps, se succèdent des coups-de-théâtre où alternent des graves caverneux à faire trembler l’espace de projection (pour parvenir à cette extrémité, il ne faut pas retenir son bras) et des aigus vibrionnants, et où se succèdent des sons dont les finalités sont purement musicales et des effets dont l’expressivité théâtrale est le seul but. L’oppressant texte, en langue persane, autour duquel Florence Baschet gravitait depuis longtemps, est « fort, raide, tendu, sans lyrisme ni compromis, et se situe en Iran sous le régime des Mollahs. ». Il est extrait d’un récit dans lequel l’écrivaine Chahdortt Djavann peint une jeune Iranienne ; emprisonnée et attendant le jour de sa condamnation à mort, cette dernière écrit, sur un petit cahier, l’histoire de sa tante qui, pour taire un passé douloureux et pour se préserver une part de liberté avant d’être pendue, avait préféré le mutisme. Qu’un compositeur soit attiré par la relation que la musique entretient avec le mutisme (il diffère toutefois de son cousin, le silence) éveille l’attention ; le XXe siècle est scandé de grandes œuvres (notamment un certain D’un espace déployé de Gilbert Amy) que le silence mallarméen a inspirées.

(...) Ce projet se situe moins du côté de la poétique du silence ou de la ténuité sonore, que des manifestations épidermiques qu’engendre une identification scandalisée au sort que, dans une dictature, subissent une tante puis sa nièce. La partition, presque militante, est une façon de sismographe qui enregistre le ressenti d’un scandale politique et humain. Là est la limite d’une œuvre qui ne ménage pas ses effets. Intéressante, l’écriture vocale se déploie dans un vaste éventail, entre le récit susurré (une déclamation intime et presque en a parte) et l’exclamation lyrique. Depuis sa dense et retirée bulle de concentration, Donatienne Michel-Dansac y est engagée et émouvante ; sa palette de phonation vocale et d’intentions magnifie la subjectivité de cette œuvre. Mais
est-il besoin de vanter, de nouveau, les talents d’une des rares chanteuses à mettre ses hauts talents à la disposition des compositeurs vivants ?


Resmusica, le 14 février 2012 par Frank Langlois

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Au sujet de BogenLied :


"BogenLied", solo de violon de Florence Baschet, expérimente avec un réel bonheur plastique le traitement des principales inflexions de l'archet.

Le Monde du 10 janvier 2006, "Quand l'électronique prend vie" de Pierre Gervasoni.

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Au sujet de StreicherKreis :

Ensuite le Quatuor Danel s'attaquait à la deuxième création de la soirée, Streicherkreis de Florence Baschet. J'annonce tout de suite la couleur : cette création marque un tournant dans l'histoire de la musique dite "mixte". Florence Baschet exerce son activité depuis environ une vingtaine d'années, et elle a beaucoup travaillé avec l'ircam dans le domaine de la musique mixte. Elle vient de passer deux ans sur le projet de Streicherkreis ("le cercle de ceux qui jouent des instruments à cordes frottées", selon ses mots), afin de mettre au point un système qui permette aux instrumentistes de dépasser le stade de simple exécutant d'un texte musical traité électroniquement, pour devenir eux-mêmes les acteurs du dispositif électronique. (...) Les implications d'un changement en apparence si mince sont considérables, parce que la notion de geste est plus complexe qu'elle n'y paraît : on pense naturellement au geste comme mode mode de jeu, mais dans le cas d'un quatuor les modes de jeu individuel s'ajoutent pour former un geste musical collectif. C'est précisément pour cette raison que Florence Baschet considère son effectif comme un "quatuor à cordes augmenté".

C'est un terrain complètement vierge que la compositrice et les techniciens ont découvert, et qu'ils ont commencé discrètement mais sûrement à baliser... Les perspectives nouvelles que ce procédé ouvre laissent rêveur. J'avais lu la note de programme en diagonale avant d'écouter la pièce, sans trop chercher à comprendre, mais le résultat musical est vraiment frappant : au début, on perçoit bien le fait que chaque instrumentiste joue sa partie, qu'il modifie lui-même en temps réel, ce qui fait déjà un maillage sonore assez complexe ; puis dans la deuxième partie, qui est à mon avis la plus intéressante, c'est saisissant : on se rend compte qu'à tour de rôle, chaque instrumentiste a le contrôle total du son global, parce que son geste modifie tous les sons en même temps. Ce procédé culmine à la fin lorsque le groupe modifie lui-même ses sons comme un seul individu, quoique le résultat musical en soit assez confus. Finalement, ce quatuor "augmenté", qui développe de nouveaux modes de communication et d'interaction entre musiciens, où la somme d'individualités interconnectées se dédouble en un nouveau quatuor virtuel (reflet numérique du premier), par le biais d'un dispositif électronique qui "prolonge" à la fois les instruments et les humains, n'est pas sans rappeler à la fois les nanotechnologies, les mondes virtuels, ou encore les puces électroniques qui peuplent notre quotidien, contribuant à façonner l'homme bionique : un homme dont l'existence organique est subordonnée à son existence technologique.

Le beau Vingt-et-unième, novembre 2008.

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Au sujet de StreicherKreis :

...C’est ainsi que la pièce s’ouvre sur une exposition lumineuse et sensible des mouvements glissants d’archets sur les cordes. La construction en spirale de la pièce permet ensuite à chaque instrumentiste, puis à l’ensemble du quatuor, d’agir sur tout ou partie des sons produits. Il s’agissait ici pour Florence Baschet de trouver des modalités expressives de transformation des sons par les gestes, et non de créer des lignes instrumentales virtuelles séparées qui viendrait se juxtaposer au quatuor. Effectivement, à aucun moment l'électronique ne prend le pas sur le motif musical, mais elle en constitue une extrapolation parfaitement intégrée. A l’écoute, on aurait même bien du mal à imaginer la complexe cinématique du dispositif sous-jacent. Il reste que l'œuvre alterne des passages recueillis et des mouvements d’une très grande complexité. On aurait peine à cacher qu’il s’agit d’une musique savante et exigeante, tant pour les interprètes que pour le public, à tout le moins en première écoute. Mais le résultat emmène l’auditeur dans une exploration ultime et fascinante de la matière sonore.
Ecouter Voir, Christian Izorce. novembre 2008.

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Au sujet de Femmes :

(...) Ce n'est qu'avec 'Femmes' de Florence Baschet que l'on retrouve une problématique contemporaine vraiment ouverte sur le monde. La confrontation des deux chanteuses polyvalentes logées de part et d'autre de la scène au creux d'une sculpture métallique en forme de mandorle moderne permet à la compositrice d'exploiter avec inspiration les multiples relations qui existent entre les ide ntités, vocales et humaines, d'une Arabe et d'une Juive.
La puissance expressive, incantatoire ou imprécatoire de Roula Safar et Françoise Atlan est telle que la contribution instrumentale, en dehors de quelques relais méditatifs, semble émaner d'un groupe qui n'aurait pas saisi l'évolution des mentalités, un comble pour l'ensemble instrumental L'Itinéraire.


Pierre Gervasoni, Le Monde, 17 novembre 2001 :'Des compositeurs curieux du monde'

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